Les représentations du cigare dans la culture populaire

Les représentations du cigare dans la culture populaire

Parmi les objets qui nous entourent, peu d’entre eux possèdent une force évocatrice aussi puissante que le cigare. Symbole de luxe et de réussite pour les uns, archétype de l’arrogance et du pouvoir pour les autres, ce « petit rouleau constitué de feuilles de tabac » est associé à de nombreuses représentations qui nourrissent l’idée commune que nous nous faisons de cet objet. Entre stéréotypes, caricatures et symbolismes, le cigare revêt de multiples significations dans la culture populaire. Pourtant, cet imaginaire collectif s’éloigne bien souvent de la manière dont les amateurs de cigare le perçoivent véritablement.

Les représentations du cigare au cinéma

Selon Jung, l’inconscient collectif « se compose de formes préexistantes, les archétypes, lesquels donnent un sens aux contenus psychiques ». Représentés sous forme de symboliques, ces archétypes renferment un thème universel qui structure notre psyché. Ils permettent d’associer nos émotions à des symboles immédiatement perceptibles afin d’orienter nos choix et nos actions. Transposé en archétype, le cigare permet ainsi d’exprimer les émotions que nous inspire le fumeur.

Le cigare : un symbole de richesse et de pouvoir

En tant que représentation de l’esprit par l’image, le cinéma utilise les archétypes de l’inconscient collectif afin de mettre en relation le réel et l’imaginaire. Dès les débuts du cinéma muet, le cigare a ainsi permis d’améliorer la lisibilité des personnages en accentuant la codification des rôles jusqu’à la caricature. Cet attribut se retrouve par exemple dans de nombreux films de Charlie Chaplin comme « Le Kid » (1921), « La ruée vers l’or » (1925) et « Les temps modernes » (1936). Il permet de renforcer la confrontation entre les humbles, plein de vertus, et les oppresseurs dénués de sens moral, en venant accentuer le caractère méprisable de ces derniers. Par la suite, de nombreux cinéastes s’inspireront de l’oeuvre de Chaplin, ce qui aura pour conséquence de diffuser ces stéréotypes dans la culture populaire.

Le cinéma moderne va ainsi entretenir l’image selon laquelle le cigare est un symbole de richesse et de pouvoir. Dans Scarface (1983), on remarque par exemple que la taille des puros cubains fumés par Tony Montana augmente au fur et à mesure de son ascension. Dans Django Unchained (2013), l’infâme Calvin Candie, joué par Leonardo DiCaprio, déguste son module à l’aide d’un fume-cigare afin de renforcer l’image d’un homme tout-puissant qui n’aime pas se salir les mains.

Le cigare : un symbole de virilité

Après la Seconde Guerre Mondiale, les films historiques vont développer une nouvelle image du cigare. Il devient tour à tour un symbole de virilité et un attribut de commandement. Dans Patton (1970), le général George Patton est ainsi fréquemment représenté un H. Upmann No.2 à la bouche. Dans le film Predator (1987), le personnage du major Dutch Schaeffer, incarné par Arnold Schwarzenneger fume le cigare dès la première scène du film. Cet attribut permet d’apporter un certain charisme au personnage et contribue à renforcer son image de « mâle alpha ». Dans cette mise en scène, le cigare devient un outil d’affirmation de la virilité et acquiert une signification martiale. L’homme qui le fume est un guerrier courageux qui ne recule devant rien pour gagner la bataille.

Le cigare : un symbole d’esprit

Dans d’autres films, le cigare est également utilisé pour suggérer la réflexion. À l’image de Freud fumant son cigare pour stimuler son activité intellectuelle et favoriser sa concentration, il devient un outil qui permet de renforcer l’image d’un être raisonné ou en état de méditation. Dans la célèbre série Columbo (1968-2003), le lieutenant Columbo fume ainsi le cigare lorsqu’il mène l’enquête. Les volutes de fumée renforcent l’idée d’un personnage en pleine réflexion.

Dans de nombreux films, le cigare ne symbolise non pas un mais plusieurs traits de caractère en même temps. Dans la série « L’Agence tous risques » (1983-1987), le cigare est ainsi utilisé pour renforcer les traits de caractère d’Hannibal Smith que sont l’autorité, la virilité, l’insoumission, l’impertinence et la réflexion. Lorsque son acolyte Futé lui demande pourquoi il fume le cigare, ce dernier répond : « Un cigare, ça m’aide à mieux réfléchir ».

Les représentations du cigare dans l’industrie musicale

L’idée collective que nous nous faisons du cigare a également été renforcée par ses représentations dans l’univers musical. De nombreux chanteurs utilisent en effet cet attribut dans leurs clips afin de mettre en scène leurs paroles. On peut ainsi voir Jay-Z fumer un cigare dans des clips comme « Show me what you got ». Successivement représenté au volant de sa Ferrari, de son yacht ou autour d’une table de casino monégasque, le chanteur utilise le cigare pour renforcer l’image d’un homme riche et séduisant à qui tout réussi.

Depuis les années 1990, et l’apparition sulfureuse de Madonna fumant un Hermosos 4 Añejados d’Hoyo de Monterrey sur le plateau de l’émission américaine The Late Show, de nombreuses interprètes féminines se sont également emparées du cigare pour transmettre différents messages. Dans le clip « Can’t Remember to Forget You », Shakira et Rihanna fument par exemple le cigare pour renforcer le caractère érotique de leurs paroles. Dans « The Man », Taylor Swift se met en scène dans la peau d’un homme d’affaires arrogant et utilise le cigare pour représenter la domination des hommes dans une société patriarcale.

Les représentations du cigare dans la culture populaire : mythe ou réalité ?

La manière dont le cigare est représenté dans les films, les clips et les médias trouve ses origines dans les conflits de valeurs qui opposaient la bourgeoisie industrielle aux classes ouvrières tout au long du XIXe siècle. Historiquement, le cigare a d’abord été l’apanage des hommes fortunés avant de devenir un produit commercialisé à grande échelle. Cela s’explique par sa provenance et son mode de fabrication artisanal, qui en faisaient un bien rare et coûteux. Avec le temps, certains adeptes du cigare l’ont ainsi vu comme un objet permettant de renforcer le sentiment d’exclusivité des élites bourgeoises. Ils ont commencé à codifier son usage et à l’utiliser comme un accessoire de valorisation sociale.

De leur côté, les gazettes socialistes commencent à se servir de l’image du cigare pour dénoncer l’arrogance et la cupidité des hommes d’affaires et des banquiers, considérés comme des figures de la domination et de l’exploitation du capital sur la classe ouvrière. Ces caricatures se perpétuent encore aujourd’hui, notamment dans des œuvres de Plantu ou dans des journaux satiriques comme Charlie Hebdo. Pourtant, les ventes de cigare actuelles témoignent d’une consommation indifférente aux catégories sociales. L’augmentation du niveau de vie, ainsi que l’ouverture du marché à de nombreux terroirs, ont permis au cigare de devenir un produit accessible au plus grand nombre. Si certaines marques comme Cohiba, Trinidad ou encore Davidoff restent des produits de luxe en raison de leurs prix élevés, de nombreux cigares premium sont commercialisés à des prix abordables. De plus, les aficionados modernes sont aujourd’hui bien plus attirés par les qualités aromatiques et la dimension hédoniste du cigare que par une quelconque recherche de reconnaissance sociale. Il s’agit donc avant tout d’un objet de plaisir qui séduit de par ses caractéristiques intrinsèques et non en raison de ce qu’il représente.

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