イボシティ:世界の葉巻の中心地

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Fondé en 1886, Ybor City est un quartier historique de la ville de Tampa en Floride. Aujourd’hui célèbre pour ses musées, ses restaurants et son architecture inspirée de l’art roman méditerranéen, ce lieu a longtemps abrité certaines des usines de fabrication de cigares les plus florissantes au monde. Cette activité industrielle lui a d’ailleurs valu, dès la fin du XXème siècle, le surnom de « capitale mondiale du cigare ». De nos jours, cet héritage continue de vivre au travers de grands noms du cigare comme J.C Newman et Arturo Fuente.

La naissance d’Ybor City

Ybor City doit son nom à Vicente Martínez-Ybor, l’un des fabricants de cigare les plus talentueux de sa génération. Né à Séville en 1818, cet immigré espagnol s’installe à Cuba en 1832 et lance dès 1856 la marque de cigares « Prince of Wales ». En 1869, il est contraint de quitter Cuba en raison de son soutien au mouvement indépendantiste durant la Guerre des Dix Ans.

Cet exil le conduit à Key West, en Floride, où il ouvre une petite usine de cigares. Durant cette époque, il emploie majoritairement des ouvriers cubains et se fournit auprès de producteurs de tabac de l’île. Ce système lui permet de fabriquer des cigares de grande qualité tout en évitant de payer les droits de douane appliqués aux exportations de cigares cubains. Mais malgré un succès incontestable, ces années sont marquées par des tensions sociales avec ses ouvriers ainsi que des difficultés logistiques liées à l’acheminement du tabac depuis Cuba.

En 1885, il décide donc de s’associer avec son ami Ignacio Haya et achète 16 hectares de terre à côté de la ville de Tampa afin d’y construire une nouvelle usine. Idéalement situé, cet emplacement offrait un accès maritime privilégié permettant d’acheminer rapidement du tabac depuis Cuba. En 1886, la dernière pierre de l’usine Martinez Ybor & Co est posée et la production des cigares « Prince of Wales » est transférée de Key West à Tampa. La construction de cette usine marque également la naissance d’Ybor City, une cité née de la vision d’un seul homme et qui sera annexée un an plus tard par la ville de Tampa.

Le développement d’Ybor City

Fort de son expérience passée, Vicente Martínez-Ybor fait rapidement construire des habitations afin d’y loger ses ouvriers. Il s’implique également dans le développement de la ville en finançant la construction de routes, de cabinets médicaux, de compagnies d’assurance et de sociétés de distribution de gaz. Le succès fulgurant de son entreprise attire rapidement de nouveaux arrivants et, en 1890, ce lopin de terre qui ne comptait jusqu’alors que quelques centaines d’habitants abrite désormais plus de 6 000 personnes.

Venus des quatre coins du monde, les habitants d’Ybor City forment un melting-pot qui ne se retrouve nulle part ailleurs dans le sud des États-Unis. Cette diversité ethnique et culturelle a fortement contribué à forger l’identité de la ville et caractérise encore aujourd’hui ce quartier de Tampa. Dans les années suivant la construction de l’usine Martinez Ybor, de nombreux fabricants de cigares s’implantèrent dans la ville. La mort de Vicente Martínez-Ybor en 1896 n’a d’ailleurs pas freiné ce développement et, au début des années 1920, on dénombre pas moins de 200 manufactures de cigares et plus de 100 000 habitants à Ybor City. À son apogée, au milieu des années 20, plus de 500 millions de cigares sont ainsi produits chaque année entre ses murs et la ville hérite du surnom de « Cigar City ».

Ybor City et la famille Fuente

Parmi les fabricants de cigares qui se sont installés à Ybor City au début du XXème siècle figurait la désormais célèbre famille Fuente. Arrivé à Tampa en 1902, Arturo Fuente fonde quelques années plus tard son usine de cigares au numéro 813 de la rue Francis Street. Tout comme Vicente Martínez-Ybor, il importe du tabac directement de Cuba afin de rouler ses cigares, ce qui lui permet de profiter d’un succès rapide. Mais en 1924, l’usine Fuente est ravagée par les flammes et Arturo est contraint d’abandonner son entreprise. En dépit des difficultés, il continue de rouler des cigares depuis sa maison familiale de Tampa et, en 1946, il réitère l’expérience en fondant la Arturo Fuente Cigar Factory. Dix ans plus tard, il lègue les rênes de l’entreprise à son fils Carlos qui s’efforcera d’exporter le nom de Fuente en dehors des murs d’Ybor City.

Bien que la marque de cigares A. Fuente soit aujourd’hui établie en République dominicaine, elle a toujours gardé un ancrage dans le quartier qui l’a vu naître. Son siège est ainsi toujours situé à Ybor City et les Fuente continuent de s’investir dans des projets communautaires et urbains comme la restauration de la Grande Cathédrale des Cigares en 2021. En 2016, le maire de Tampa a également renommé un tronçon de la 2nd Avenue « Carlos Fuente’s Way » afin de rendre hommage à cette figure emblématique de la ville.

Le déclin d’Ybor City

En 1929, le krach boursier plonge les États-Unis dans une récession sans précédent. Cette crise n’épargne pas Ybor City qui voit son activité décliner rapidement. De nombreuses manufactures de cigare sont contraintes de mettre la clé sous la porte et en 1940, l’usine Martínez-Ybor ferme à son tour. Entre 1930 et 1940, un quart des immigrants européens et plus de la moitié des immigrants cubains quittent Ybor City dans l’espoir de trouver un nouvel emploi. Seules quelques entreprises de fabrication de cigares parviennent à maintenir leur activité.

Ce déclin s’est poursuivi bien après la Seconde Guerre Mondiale, notamment en raison du développement de la mécanisation et du succès de la cigarette. En 1962, l’embargo américain est également venu ajouter à ces difficultés en interdisant l’exportation de feuilles de tabac venues de Cuba. Les quelques fabricants de cigares toujours présents à Ybor City ont ainsi dû s’approvisionner dans de nouveaux pays. Aujourd’hui, l’âge d’or du cigare est bel et bien révolu à Ybor City, mais la ville connaît un nouveau souffle grâce au développement d’activités touristiques. Si les usines de cigares y sont désormais rares, nombreux sont les visiteurs qui s’y rendent chaque année afin d’y découvrir les quelque 950 bâtiments et structures historiques qui ont survécu à cette époque. En 1990, Ybor City a également été classé au patrimoine historique en raison de son rôle dans le mouvement d’immigration national.

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