Interview Mr Aazam Zanganeh “La Couronne SA – Nyon”

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Introduction

Bonjour Mr. Aazam, merci d’avoir accepté cette rencontre au sein de ce magnifique fumoir. Vous êtes à la tête d’une affaire familiale qui se situe à Nyon « La Couronne » qui fête ses 40 ans cette année, vous avez aussi contribué en 2012 avec une bande d’amis à ce magnifique ouvrage qu’est ce livre « CIGARE », vous gérez à vous seul plusieurs boutiques de vente en ligne dédiées au cigare, une société de graphisme et marketing digital, vous êtes consultant en matière de tabac pour l’importation et la distribution. 

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Edmond – Démarrons cette entrevue par une simple question ;  qui êtes-vous Mr. Aazam ? 

Alexis – Mon nom de famille est : Zanganeh, « Aazam », est un titre honorifique Persan, décerné exclusivement et très rarement par le  Roi de Perse, dans l’antiquité.

Ma famille est originaire du Nord-Ouest de L’Iran. La ville de Kermânchâh est notre fief historique. Notre histoire familiale remonte à plus de 500 ans avant J-C, dans ce pays que l’on nommait La Perse (Iran moderne). Notre famille est intimement liée à l’Histoire politique, militaire, économique et artistique  de ce pays, et ceci depuis des siècles.

La Ville de Kermânchâh, sous l’impulsion du Roi de Perse, sera développée par mon arrière – arrière – arrière – arrière – arrière- Grand-père :  Sheikh Ali Khan Zanganeh (1669) fils de Shahrokh Sultan Zanganeh, Grand Vizir (premier Ministre), Trésorier de la cour Royale de Perse et Régent du Roi Safavid Suleiman 1ᵉʳ.

Le livre du Dr. Sohrab Aazam Zanganeh explique de façon détaillée l’histoire de notre Dynastie dans la perse Antique ainsi que dans l’Iran moderne. Il mentionne l’origine du Titre *Aazam* associé à notre nom de famille Zanganeh, Aazam qui signifie en persan ; « Le Grand » ; titre Royal honorifique accordé par le Roi de la Dynastie Qadjar.  Ci-dessous le symbole identifiant ce titre.

Ma famille ayant décidé de vivre une partie de l’année en Suisse, nous avons élu domicile dans le Canton de Vaud. C’est à cette période que mon père se mit à développer ses affaires dans ce beau pays.

Dans ses affaires ma mère était toujours très présente, de bons conseils, pragmatique et rigoureuse.

Ainsi en 1988, mon père acquis La Couronne SA. à Nyon, ville située au bord du lac Léman, une magnifique ville à 15 minutes de Genève. Ma mère Hélène, très vite, se prit de passion pour le cigare et à cette époque, il était très rare de voir une femme déguster des puros cubains. Voilà comment l’histoire de notre famille vient à la rencontre de La Couronne.

 

 

 

 

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“Livre cigare”

 

Les auteurs ( Aazam Zanganeh Alexis, Engelberts Patrice, Davidh, Steiner Davolo, Walerstein Ximena, Jeanne Philippe )

 

Edmond – Une histoire séculaire digne des contes des Mille et une nuits ! Je sens beaucoup de fierté par cet héritage familial.

Alexis – En effet, comment ne pas l’être ! Dans une époque ou une grande partie des histoires sont inventées de toutes pièces et ou la notion de durée est devenue complètement obsolète.  Pour reprendre la citation d’Otto Von Habsbourg : « Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va, car il ne sait pas où il est », je suis le récipiendaire d’une histoire, d’une culture,  d’une éducation, de valeurs héritées de longue date, et c’est plutôt cela qui m’intéresse dans mon présent ainsi que pour mon avenir, celui de ma famille et celui de mes proches. Chacun d’entre nous possède une empreinte familiale, quelle qu’elle soit. Qu’importe d’où l’on vient ce qui est important selon moi, c’est d’en être conscient, complètement imprégné, de l’intégrer puis de la faire évoluer vers l’avenir, vers la lumière.

Edmond –  Quelle est l’origine de ce nom : « La Couronne » ? La boutique portait-elle déjà ce nom ?

Alexis – En effet l’adresse, Rue de Rive 34, à Nyon, où se trouve notre Boutique de cigares accueillait, dans les années 1750, un relais de diligence. En ce temps-là, cette maison se prénommait déjà « La Couronne ». D’ailleurs si vous y faites attention, en levant la tête, vous apercevrez sous son toit, une couronne réalisée en fer forgé. Peinte à la main, par un artiste de l’époque, sa manufacture fut expressément commandée par le propriétaire.

Depuis des décennies, ce lieu accueil une boutique de cigares ; La Couronne SA, Cave à cigares.

 

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Humidor  “La Couronne”

 

 

 

 

 

 

Edmond – Si je comprends bien, la passion du cigare vous a été transmise très tôt par votre maman ! Quel âge aviez – vous à l’époque ?

Alexis – Je dois dire que jusqu’à l’âge de 18 ans, je n’ai jamais consommé de tabac, sous quelque forme que ce soit. Jamais fumé une cigarette, rien. Pourtant, un jour, ma mère a insisté à ce que je participe à une soirée de dégustation de cigares organisée par ses soins, j’ai accepté, cela m’intriguait, mais pour moi il était absolument exclu que je travaille dans le milieu du tabac, je me destinais à être psychologue, souhaitant plutôt m’orienter dans la recherche. Cette soirée m’a bluffé, j’ai finalement dégusté deux cigares ce soir-là, un punch de punch en cabinet de 50 cigares et un Hoyo double corona. Pas mal pour une première. Je dois dire que cela m’a beaucoup plu, pas uniquement les cigares, mais aussi l’atmosphère, les gens, les discussions, l’ambiance.

Edmond – Étiez-vous destinés à reprendre le flambeau de l’affaire de vos parents, une suite logique ou non ?

Alexis – Pas du tout ! Comme je vous l’ai dit, je me destinais à une carrière académique en psychologie, mais le hasard de la vie à fait que mes choix ont dû à une certaine époque de ma vie, être concentré sur l’affaire familiale. Étant fils unique, le choix n’en était pas vraiment un, mais, j’ai présumé que l’on me demandait, j’ai mis en stand-by mes projets professionnels et je me suis investi à 200% dans cette affaire, j’avais 22 ans.

Edmond – 22 ans, c’est très jeune pour assumer les responsabilités liées à un commerce !

Alexis – Cela dépend de la personne, de son éducation, de son parcours de vie, de son envie, de sa maturité, des différents éléments qui font que l’on est prêt ou pas, que l’on peut voir dans ce qui se présente, une opportunité d’évoluer et d’apprendre ou de le percevoir comme un non-choix, un mur infranchissable, une fatalité. Je ne crois pas aux fatalités. Comme je vous l’ai dit, je crois à ce que l’on est au moment où on le vit et le seul moyen de savoir qui l’on est. C’est notre intime éducation, apprendre et comprendre sa propre histoire, celle de sa famille, et se construire avec son environnement au quotidien, bon ou mauvais, d’ailleurs ces deux derniers mots ne signifient rien en tant que tels, il s’agit d’une affaire de perception mentale de ce que l’on vit au moment où on le vit.

Donc, l’âge n’y est à mes yeux, pas forcément pour grand-chose.

Edmond – À propos du cigare, comment percevez-vous ses évolutions depuis plus de 20 ans ? Est-ce que les choses ont fondamentalement changé ?

Alexis – En 20 ans, beaucoup de choses ont changé dans le monde du cigare. Tout dépend à quel niveau on se positionne. Si on parle du cigare à proprement parler, des clients, de l’évolution des marques, de l’évolution de la consommation mondiale, de l’évolution des entreprises actives dans ce métier, l’entrée des nouveaux acteurs dans ce que l’on a appelé la mondialisation, la question est très vaste ! Le cigare lui-même, n’a pas beaucoup changé, je parle de sa fabrication artisanale, ainsi que ses différentes méthodes de fabrication ancestrales… Cela reste comme cela a toujours été. Je pense d’ailleurs que c’est très bien que cela le reste, c’est ce qui en fait un produit unique, fait  de main de femmes et d’hommes véhiculant une tradition et par-dessus tout, un savoir-faire exceptionnel.

Edmond – La législation sur le commerce lié au tabac en Suisse est unique, étant la plus souple d’Europe, le confirmez-vous ?

Alexis – La Suisse est un pays « libéral », en termes d’économie. Les règles commerciales y sont pour le développement d’un tissu fort, compétitif, dynamique, adaptatif. Je pense que ces valeurs sont impératives pour la Suisse, ce petit pays, au centre de l’Europe. Cela est vrai pour le commerce du tabac aussi.

Edmond – Cette singularité helvétique a-t-elle des conséquences sur votre travail de tous les jours ? Par exemple lorsque l’on prend en considération le fait que le prix des cigares n’est pas fixé par l’État fédéral ?

Alexis – En effet, le système est fait de telle sorte que  l’importateur fixe le prix de vente au détail (au consommateur), l’importateur, en fonction de ce prix de vente, paiera la TVA à l’importation ainsi que l’impôt sur le tabac et sur le poids, et ceci en corrélation avec le prix de vente. Il doit, en outre, tenir compte des différentes marges en vigueur des acteurs de la vente de cigares dans notre pays.  Néanmoins, le prix de vente au consommateur est indicatif, ou, conseillé (par l’importateur), le vendeur final est libre de fixer le prix qu’il estime sur le produit à la vente, c’est la loi de l’offre et de la demande. Ainsi, on laisse au marché le soin de s’autoréguler et faire apparaitre un prix médian, ou ce que l’on appelle  un prix « trade ».

Le prix « trade » est soumis à de très fortes pressions depuis quelques années en Suisse, moins de 10 ans. Il y a du bon et du moins bon dans ce système. L’idée, de toute façon est que le consommateur paie moins cher le produit désiré du moment qu’il y’ a un maximum de concurrence. Pour ce faire, il faut que celle-ci soit possible et encouragée par le système de libre concurrence mis en place par l’État. Une partie de l’équation se porte sur la relation du rapport  qualité/prix, et, étant donné que nous sommes dans le segment « luxe », le service (au sens large) fait amplement partie de cette équation en corrélation avec l’offre et la demande.

De plus, sur certains produits, notamment les cigares cubains, Il faut tenir compte de la traçabilité, de l’authenticité, de la qualité de conservation tout au long de la chaine logistique de Cuba jusqu’à la boutique en Suisse. C’est un paramètre extrêmement important, pour la fixation du prix, pour le consommateur tout autant que pour le vendeur.

Je suis entrepreneur et chef d’entreprise, de ce fait, je suis partisan d’un état libéral. Il n’y a pas de bon système économique en soit, il y en a un seul qui fonctionne depuis des décennies et tous les autres ont été des fiascos monumentaux. Il est pourtant probable que le système libéral que l’on connait aujourd’hui, sous sa forme la plus rude, soit un vrai poison pour notre économie mondiale, pour la planète, l’écologie, et j’irai plus loin, pour la santé mentale des gens. La Suisse fait partie intégrante de ce système et le cigare est très bien positionné dans notre pays pour ce qui est de la consommation nationale, mais aussi en termes de compétitivité à l’international.

Edmond – La Suisse est un peu considérée comme la Mecque du cigare, les civettes exclusives sur ce marché foisonnent et semblent prospérer. Alors qu’un peu partout en Europe, le tabac devient irrémédiablement prohibé un peu plus chaque année ! Par contre, ici, il n’en est rien !

Est-ce encore une fois lié à cet état libéral ?   

Alexis – La Suisse pour des raisons historiques,  est l’épicentre du développement de la marque Davidoff, je ne reviens pas sur ce point, vous en aviez déjà très bien parlé dans un article de votre blog. Il y a aussi la maison Gérard, à Genève, et de grandes maisons de cigares en Suisse Allemande, ainsi que des importateurs dynamiques, solides financièrement, professionnels, proposant des marques de cigares premium dans les principaux terroirs, Cuba, République dominicaine, Nicaragua, Honduras, ont contribué de façon significative à la réputation de la place Helvétique. Il faut noter que la Suisse est le pays au monde, par tête d’habitant, qui concentre probablement le plus de boutiques de cigares spécialisées sur son territoire, et que le niveau de conservation, de savoir faire et de présentation y est très élevé. Je peux vous en parler, car j’ai importé des marques de cigares au niveau national durant une dizaine d’années. Je peux donc vous affirmer que tous ces facteurs ont fait que les clients sont choyés, « éduqués » au goût, et qu’ils ont la possibilité de trouver des cigares de bonne qualité, à des prix très compétitifs notamment dû à un taux de TVA parmi les plus faibles au monde et des taxes sur les cigares prémiums relativement raisonnables. Il faut avouer que partout dans le monde, le cigare, bénéficie d’une image épicurienne, malgré le lobby anti-tabac international, le cigare reste pour beaucoup de personnes qui ne dégustent pas le cigare un produit occasionnel lié à la notion de plaisir de la table, entre autres. Cette image, a évolué grandement durant les 25 dernières années, beaucoup l’appellent la « démocratisation de l’image du cigare », un point de vue que je partage également. Si l’on parle maintenant de l’importance du marché intérieur du cigare en termes de chiffre, la Suisse est encore très, très, très loin de marchés comme ; les USA, l’Allemagne, la France, L’Espagne, la Chine… Et Cuba ! En ce qui concerne l’Europe, le tabac n’y a vraiment pas bonne presse, sous quelques formes que ce soit, les taxes y sont assez élevées, le réseau de vente moins dense qu’en Suisse et les lois y sont très restrictives. Les pays les plus « difficiles » pour le marché du tabac, sont les pays d’Asie, du Moyen-Orient, le Canada et l’Australie, où les taxes sont extrêmement élevées. Donc, en termes d’image, la Suisse est toujours et sera encore très longtemps un pays important pour les fabricants de cigares, pour les tests de distribution de certaines marques, et pour les voyageurs du monde entier qui viennent réaliser des affaires, et visiter ce magnifique pays.

 

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Alejandro Robaina/ Alexis Aazam/ Hirochi Robaina

 

Edmond – Mr Aazam, après toutes ces années dans ce milieu, la passion du cigare continue-t-elle à vous faire vibrer comme au premier jour où vous avez dégusté ce Punch Punch et cet Hoyo de Monterey ? Aucune lassitude ou d’usure ?

Alexis – Ma passion du cigare est encore plus forte qu’à mes débuts ! Évidemment, lorsque vous commencez un métier, vous avez tout à apprendre, et l’excitation est immense, aussi bien intellectuelle et émotionnelle que physique. Le cigare et l’univers qui le constitue ainsi que ce qu’il véhicule, sont uniques ! J’ai touché à la vente, à l’importation, la distribution, la fabrication, au trading, au développement de différentes marques sur le territoire national, comme dans d’autres pays, j’ai été consultant pour des entreprises désirant s’implanter dans des pays cibles, j’ai créé des amitiés de par le monde grâce aux cigares et au tabac. J’ai voyagé dans plus de 30 pays uniquement pour le cigare, j’ai pu échanger avec les tabaceros, les masters blenders, les torcedores, les designers, les fabricants de boites, les fournisseurs de tous poils, les architectes des tabacaleras de tabac, les fabricants de bagues de cigares, les distributeurs et j’en passe.  À chaque fois, j’étais fasciné par leur métier, leurs problématiques particulières, en essayant de comprendre le « grand tout » après avoir mis bout-à-bout chacun de ces métiers pour aboutir au résultat final, une boite de cigare dans un bel humidor au quatre coins de la planète.  Chaque détail compte, chacun à son rôle à jouer afin que la partition soit la plus belle possible, la plus efficace, la plus originale, la plus novatrice, la plus enchanteresse, pour que, à la fin… L’amateur qui allumera son cigare y trouve le plaisir recherché, qu’il soit surpris,  que son âme et ses sens soient en éveil, le temps d’un instant, et que tout ce travail, ce parcours de milliers de kilomètres, ayant nécessité des soins si précieux et méticuleux, finisse par se consumer et se réduire en une cendre !

Ceci peut être une belle métaphore dont l’interprétation vous est libre !

Ce que je peux affirmer, c’est qu’à aucun moment de ma vie, aussi tôt que je me souvienne, je n’ai fait de compromis sur la nécessaire passion qui m’habitait à réaliser une vie remplie, à ma mesure, avec mes ambitions, mon amour de la vie et des autres, mon envie de partage, et mon immense besoin d’apprendre.

Ce que je peux aussi affirmer, c’est qu’à ce jour, je ne suis pas déçu ! J’ai pu rencontrer des personnes fantastiques, grâce à mon métier, des individus hors-normes, qui pensent et voient, loin, très loin ! Des personnes, qui bousculent les règles établies et les connaissent parfaitement, qui les respectent et qui, de ce fait peuvent en parfaite intelligence inventer de nouveaux univers ! J’ai aussi, bien-sûr, rencontré des individus plutôt malfaisant dont les intentions étaient extrêmement douteuses. Ceux-ci ne sont jamais hideux ou insipides, ils sont bien souvent très cordiaux, flamboyant, presque gentils. Ceux-ci je les repère avec aisance et je m’en éloigne instantanément. Bien heureusement, il s’agit là d’une minorité.

Dans les projets que j’ai réalisés, probablement, celui parmi lesquels je suis le plus fier est une œuvre commune, un vrai partage, d’amitié et de savoir faire et de savoir être qui m’a rarement été donné de vivre. Le livre « Cigare », est sans conteste un moment très particulier dans ma vie et, à coup sûr, dans la vie de mes amis et collaborateurs de cette œuvre.

Donc, vous me demandiez si j’étais lassé, usé?! La réponse est NON ! J’en veux plus, j’en veux encore ! Mais pour être juste, il faut avouer que certaines questions me fatiguent, pas tant par leur naïveté, mais plutôt par l’attitude de ceux qui les posent. Il est un fait que le monde dans lequel nous vivons va très vite, mais je me pose la question, pour moi, comme pour les autres, il va vite… Mais pour aller où ? Je pense que le cigare peut amener une réponse. Ce produit est l’antithèse de ce modèle. Il est lent à fabriquer, produit de la main de l’homme du début à la fin, lent à vieillir, lent à déguster. C’est un produit qui demande de la subtilité pour l’aborder, de l’abnégation pour le comprendre, et de l’amour pour le conseiller et le vendre ! Pour moi, il est une source d’inspiration, et je ne suis pas le seul à le penser. Beaucoup de clients, amis, connaissances, fabricants, en parlent, avec d’autres mots, mais en conclusion, nous l’approchons tous avec les mêmes qualificatifs et les mêmes critères spécifiques donnant au cigare un statut particulier dans le monde actuel, et, à mon sens, c’est une force immense et un gage positif pour l’avenir de cette profession et tout ce que cela comporte d’intervenants. Alors bien sûr, on me dira, les multinationales du tabac sont de plus en plus en phase d’acquisition, y compris celui du cigare premium, il y aura moins de diversité, moins d’acteurs, etc. C’est un fait, mais, il y a toujours de grandes familles du cigare qui sont là, qui veillent au grain, qui travaillent de plus en plus mains dans les mains et se réinventent plus rapidement que ces grands groupes, sont plus innovantes, plus proches des gens et du terroir. Les petites pousses sont très prometteuses, internet est un grand défit pour notre profession, comme pour tous les métiers somme toute, mais c’est aussi une formidable vitrine de communication en direct, très réactive, avec des possibilités immenses de sociabilité et de rapprochement entre les acteurs-producteurs de cigares et leur public. D’ailleurs, un mouvement très intéressant s’est immiscé sur le web; Carlito Fuente, Ernesto Peres Carillo, Padron, Davidoff avec la Davidoff Accademy, Lito Gomes, Pepin Garcia, et évidemment Habanos, les clubs-cigares du monde entier, les blogueurs dont vous faites partie cher Edmond, les sites d’information sur le cigare de plus en plus professionnel, tout cela contribue d’une façon ou d’une autre à donner une formidable caisse de résonnance au cigare. Au début, beaucoup de personnes dans la vente de cigares ont regardé cette évolution avec méfiance et probablement avec peur, mais je crois au contraire que cela porte le produit en termes de communication et d’image, beaucoup plus loin qu’il ne l’a jamais été, de façon plus rapide, et depuis quelque temps, de manière beaucoup plus qualitative. J’entends par là que les informations sont de meilleures qualités, et ce mouvement n’est qu’au début de son évolution à mon avis, car les producteurs et les acteurs légitimes de cette industrie, communiquent désormais sur ces canaux, ce qui, assez rapidement, éloignera les opportunistes de tous poils, les « docteurs » en cigare, et autres amateurs en manque de notoriété. Ce fait est le fruit de deux facteurs déterminant : premièrement, les producteurs ont dû se forcer à communiquer autrement, le canal de redistribution n’étant plus le seul et unique canal, la pub par magazine est devenue en grande partie digitale et le terrain digital déblayé par les internautes de tous les pays a su créer une attention auprès du public qui a suscité l’attention de ces acteurs majeurs du cigare premium. Un des leaders charismatique de cette tendance est le fameux producteur Carlos Jr. – Carlito Fuente. Il suffit de regarder l’interview de Carlito au Nicaragua, à Esteli, dans ce qui sera sa nouvelle fabrique de cigares pour s’en convaincre. Vous pouvez aussi suivre Nic Perdomo… et tellement d’autres !

C’est pour moi une excellente nouvelle pour notre industrie qui est en changement rapide de modèle économique. Donc, encore une fois, non je ne suis pas usé, car je sais que les meilleurs vont encore changer les règles et pousser les limites, des nouveaux venus vont faire leur apparition et avoir du succès, ce qui est vital pour tout commerce, toute industrie et cela me fait me lever tous les matins pour pouvoir observer ce changement et tout autant y participer.

Edmond – Je sens dans vos propos que la famille « Fuente » est chère à votre cœur, n’est-ce pas ?

Alexis – La Famille Fuente tient une place particulière dans ma vie, dans mon cœur et dans mon travail, au même titre que la famille Meerapfel. Ce sont des personnes qui ont une Histoire, avec un grand H, dans le monde du tabac. J’ai beaucoup de respect pour leur façon de transmettre leurs valeurs, autant que leur savoir-faire.  C’est un passage à témoin, d’une génération à une autre. Les Fuente et leur amour inconditionnel du travail bien fait, de la parole donnée, de l’honneur, bref des termes et des notions complètement désuètes de nos jours. Pourtant, pour certaines personnes, ces notions ne sont pas que des mots, elles se résument en un état d’esprit, un savoir être. Sans cela ils ne seraient pas où ils sont aujourd’hui. Cette identité, c’est dans leur éducation, presque dans leur ADN. Ces familles portent ces valeurs très profondément en elles, de génération en génération, et cela me correspond… C’est une des milliers de raisons pour lesquelles ces familles sont chères à mon cœur.

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Alexis Aazam & Carlos Fuente

Edmond – Justement, y a-t-il un cigare « Fuente »  ou autre qui a marqué récemment vos papilles ?

Alexis – The Eye of the Shark ! Seleccion Don Carlos. Un cigare dédié à son père Carlos Senior Fuente, « Don Carlos », comme le nomment les personnes de son entourage et ses amis. C’est un cigare époustouflant !

Il y’ a tout ! La subtilité, la finesse, la richesse, l’évolution, la consistance… Ce cigare m’a procuré une grande émotion à chaque fois que je l’ai dégusté. Je n’ai pas pu m’empêcher de féliciter Carlito Fuente pour ce magnifique cigare, je devais le lui dire ! J’ai appelé aussi certaines personnes de son entourage qui ont contribué à la production de ce prodigieux cigare. J’en ai dégusté 2 boites en une semaine et demie, c’est tout vous dire !

C’est une des raisons pour lesquelles je fais ce métier, avoir la chance de pouvoir défendre un tel produit, puis le partager à mes clients et percevoir en eux l’allégresse, le plaisir qu’ils ont pu y trouver lors de leur dégustation à la maison ou avec leurs amis. Le cigare, c’est aussi la transmission, de la joie, de l’amitié, de la passion ! C’est aussi cela qui constitue le cœur de notre métier et qui nous fait nous lever chaque matin avec notre plus belle énergie.

Cela dit, il y’ a aussi d’autres cigares qui m’ont particulièrement réjoui, le Cohiba Talisman EL 2017, des Davidoff période cubaine, des Dunhill Cubain, les Davidoff Nicaragua, les Lito Gomes Série Oscuro, les Fuente série Cubano, hemingway, Opus X, Opus X 20 years Anniversary, sans oublier Padron Anniversaire 1964 Impériales, des très bons Partagas Lusitania en Cabinet de 50 cigares, le Sir Winston Churchill Gran Reserva de H. Upmann, le Davidoff Oro Blanco, et … les Couronne Magnum AA, aussi, je dois dire sans vouloir en faire des tonnes, je les trouve vraiment tops. Bref, il y’ a tout de même beaucoup de cigares de très bonne qualité, mais il y’ en a peu à mon avis qui vous donnent le petit plus de magie. Ceci est probablement dû au fait que je goûte énormément, et que je suis probablement plus exigeant que la plupart du commun des mortels. C’est mon métier ! Il faut aussi insister sur le fait que le cigare est intimement lié au moment où vous le dégusté, à l’atmosphère dans laquelle se passe la dégustation, l’état émotionnel dans lequel vous vous trouvez. Un point crucial est qu’il faut impérativement que le cigare soit autant parfait dans sa constitution que dans son état de conservation, sans quoi nous parlons pour ne rien dire ! Tous ces paramètres doivent être réunis afin de pouvoir articuler quelque chose de pertinent sur le produit, si ce n’est pas le cas, alors, on déguste sans vraiment savoir, ou, sans vraiment donner les moyens au produit d’exprimer l’intégralité de son potentiel.

Edmond – Mr. Aazam, le cigare présente une image fédératrice, voire romantique et offre parfois de belles amitiés, uniques et sincères. Qu’en est-il réellement dans votre profession ? Vous êtes nombreux sur la région Lémanique à vous partager ce marché ! Est-ce que dans le cigare les choses se passent dans le meilleur des mondes,  un monde bien différent à celui d’autres secteurs économiques ? La question d’un idéaliste que je suis…

Alexis – Si je comprends bien votre question, vous demandez quels sont les rapports entre les différents acteurs de mon métier dans la région lémanique ou plus généralement en Suisse ? … Si telle est votre question :

Comme dans tous les secteurs d’activité, il y’ a des personnes qui ne s’entendent pas, d’autres qui s’apprécient, d’autres qui s’ignorent. Cela n’est en réalité vraiment pas très important, ce qui compte, c’est le cigare et ceux qui défendent notre profession, le produit, la qualité, la traçabilité, le professionnalisme de la vente, l’événementiel de qualité autour du cigare. C’est ce qui m’intéresse et c’est, je pense, ce qui intéresse vos lecteurs.

Edmond – Quelles sont vos ambitions aujourd’hui ? Des projets à venir ?

Alexis – Les projets, ce n’est pas cela qu’il me manque… C’est le temps !

J’ai une famille à laquelle j’essaie d’octroyer le plus de temps possible. Je prends mon rôle de papa et de mari très au sérieux.

La famille, c’est ce qu’il y’ a de plus précieux, les amis aussi ! J’essaie de prendre du temps pour eux et ils me le rendent bien. Vous savez, à la fin, il ne reste que des cendres, comme pour les cigares, le plus excitant, c’est ce qui se passe au début, au milieu et pour le final, “le purin”, pour le cigare, c’est un moment délicat, ça chauffe et il ne faut pas se brûler les lèvres et le palais. C’est pourquoi, je vis plus posément, plus tranquillement, avec des projets à ma taille !

“Le voyage est court, alors autant essayer de le faire en première classe !” Dixit un célèbre acteur français. 

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La passion du cigare

Edmond – Cette année, vous fêtez les 40 ans de « La Couronne » si mes infos sont exactes ! Avez-vous un souhait pour l’avenir de cette maison ? Comment l’imaginez-vous dans 40 ans ? Où préférez-vous vivre l’instant présent sans tirer de plans sur la comète ?

Alexis – C’est juste, La Couronne SA, existe depuis 40 ans. Trente ans dans le clan familial, et cela fait 20 ans que j’y travaille à 200% ! Un bel événement est prévu en cette occasion afin de fêter dignement cette date anniversaire afin de remercier nos partenaires, nos clients et partager ensemble un moment unique.

Mes parents seront présents, mon épouse, mes beaux-parents, mes partenaires ayant travaillé sur le livre « Cigare », mes précieux collaborateurs, bref, ceci dans un cadre majestueux, celui du Golf Imperial à Gland.

Pour la suite de l’entreprise, je ne fais pas de plans sur la comète, je me concentre sur notre travail au quotidien, sur le soin apporté à nos clients, ainsi que sur la sélection des meilleurs cigares cubains provenant de notre partenaire, la société Intertabak AG. Je souhaite par-dessus tout continuer à collaborer étroitement avec les familles Fuente, Gomes, Carillo, Davidoff , Garcia, les importateurs de cigares non-cubain pour la Suisse.

L’année prochaine, cela fera 10 ans que nous avons créé notre propre ligne de cigares, les fameux Magnums Seleccion Privada ainsi que la ligne ; Gran Réserva de la Couronne SA. Je suis vraiment très content du résultat, la ligne est très appréciée de nos clients du monde entier, de notre clientèle locale et régionale, vraiment, c’était un sacré challenge que nous avons su relever avec l’exigence que cela nécessite. La liga est stable d’année en année, les cigares sont magnifiques et leur potentiel de vieillissement est très intéressant. J’ai beaucoup de confiance dans cette ligne, qui d’année en année trouve de nouveaux amateurs. Nous avons lancé il y a un peu plus d’une année, une liga supplémentaire, nommée : « Calibre », boite vernie de 10 cigares, en Calibre ; 52, 54, 56 et la réception de notre clientèle a été au-delà de toutes mes espérances. Il faut, maintenir la qualité, faire connaître nos produits « maison », et cela demande de la patience, du travail, de l’amour et du partage. Pour la suite, j’ai encore quelques projets professionnels, mais, je ne peux pas en dire plus. Vous le saurez bien assez tôt !

Edmond – Vos dernières paroles éveillent ma curiosité, j’ai hâte ! Je vous laisserai le soin de me communiquer vos projets en temps voulu.

En tout cas, ce fut un réel plaisir de passer ce moment en votre compagnie tout en dégustant ce cigare. Je remercie  pour votre patience et votre amour inconditionnel pour le cigare que vous transmettez depuis 20 ans à vos clients.

Merci Mr Aazam Zanganeh… 

 

PROMO ÉPUISÉ