Découvrez l’art séculaire de la culture du tabac dans la vallée du Connecticut, où traditions et conditions climatiques s’entremêlent pour produire des feuilles de tabac d’exception…
Parmi les différentes contrées qui occupent la Terre, quelques-unes seulement réunissent le sol et les conditions climatiques nécessaires pour cultiver des tabacs d’exception. La vallée du Connecticut, joyau agricole des États-Unis, est l’une d’entre elles. Longue de plus de 640 km, elle traverse quatre États et s’étend de Pittsburg au détroit du Long Island. Depuis plus de deux siècles, cette région se spécialise dans la culture du tabac pour cigares. Elle est notamment reconnue pour la qualité de ses feuilles de cape. Dans cet article, nous vous proposons de partir à la découverte de cette région unique au monde à travers son histoire et les spécificités de sa culture du tabac.
Introduction du tabac dans la vallée du Connecticut
L’introduction du tabac dans la vallée du Connecticut remonte aux premières interactions entre les colons européens et les populations autochtones de la région. Avant l’arrivée des Européens au XVIIe siècle, les peuples amérindiens cultivaient déjà leurs propres tabacs à des fins cérémonielles et médicinales. Le tabac jouait également un rôle important dans les rapports sociaux et servait de monnaie d’échange entre les tribus. Les deux types de tabac qui poussaient naturellement en Amérique à l’époque étaient le Nicotiana rustica et le Nicotiana tabacum.
Au début du XVIIe siècle, les premiers Européens à explorer la vallée du Connecticut furent les Néerlandais, suivis par les Anglais. Ces derniers ont rapidement reconnu la valeur économique de cette précieuse plante et ont commencé à échanger avec les autochtones afin d’acquérir du tabac. En 1610, John Rolfe, un colon anglais, parvint à se procurer des graines de tabac cultivées à Trinidad. Cette acquisition fut d’autant plus remarquable que la Couronne espagnole punissait de mort quiconque vendait des graines de tabac à des ressortissants d’un autre pays.
John Rolfe, également connu pour son union avec Pocahontas, introduit ainsi la variété « Orinoco » (une espèce hybride de la variété Nicotiana tabacum) en Virginie et fut le premier Européen à cultiver du tabac dans les colonies anglaises. Le succès de ses expérimentations ouvrit la voie à une expansion significative de la culture du tabac dans la région et permit de créer une culture commerciale qui allait constituer la base de l’économie coloniale américaine.
Au cours des décennies suivantes, d’autres Européens prirent exemple sur lui et développèrent leurs propres plantations. La région devint ainsi rapidement un centre majeur de production de tabac de haute qualité. Il faudra cependant attendre la fin du XVIIIe siècle pour que le colonel Israel Putnam, un officier de la marine britannique du roi George II, introduise les premières semences cubaines sur le sol américain. En 1810, la première usine de fabrication de cigares est implantée aux États-Unis. Le cigare gagnera ensuite en popularité au cours de la Guerre de Sécession (1861-1865) et deviendra dès lors un symbole de réussite sociale.
Pourquoi la vallée du Connecticut est idéale pour cultiver le tabac ?
Creusée par une calotte glaciaire il y a des milliers d’années, la vallée du Connecticut offre des sols luxuriants et riches en nutriments. Le fleuve éponyme qui la traverse s’étend sur plus de 660 km et est le plus long de la région de la Nouvelle-Angleterre.
Si la vallée du Connecticut est considérée comme une région propice pour la culture du tabac, c’est parce qu’elle réunit tous les facteurs géographiques et climatiques nécessaires à la croissance de cette plante.
1. Un climat tempéré
Cette région du Nord-Est des États-Unis bénéficie d’un climat tempéré. Il y fait chaud en été et les hivers y sont relativement doux. Ces conditions permettent de profiter d’une température et d’un taux d’humidité idéals pendant toute la saison de croissance. Elles fournissent également des variations de température nécessaires au développement d’arômes et de saveurs riches et raffinés.
2. Un sol fertile
Le sol de la Tobacco Valley du Connecticut sont réputés pour leur fertilité. Ils jouissent d’un terreau sableux qui favorise un bon drainage et offre un pH idéal pour la culture du tabac. Grâce au dépôt de sédiments laissé par les rivières avoisinantes, ce dernier est également très riche en nutriments et fournit un substrat fertile pour les plants de tabac.
3. Une topographie favorable
Le relief vallonné de la Connecticut Valley crée des microclimats favorables à la culture du tabac. Les vallées offrent une protection contre les vents violents, tandis que les collines évitent l’accumulation excessive d’eau autour des plantes, facilitant ainsi un drainage adéquat.
Les principales variétés de tabac cultivées dans la vallée du Connecticut
La vallée du Connecticut est célèbre pour la qualité de ses feuilles de cape. Elle accueille en autres les variétés Connecticut Shade et Connecticut Broadleaf.
1. La Connecticut Shade
Cette variété de tabac est issue d’un croisement entre une souche cubaine et la variété Sumatra. On estime qu’elle a commencé à être cultivée vers les années 1900. Très convoitée comme feuille de cape, elle est cultivée selon la méthode « Shade Grown », ce qui signifie qu’elle pousse à l’air libre, mais est protégée par des voilages en étamine.
Cette méthode de culture permet de développer des feuilles plus fines, claires et élastiques, qui sont idéales pour envelopper un cigare. Grâce à cette exposition contrôlée, la Connecticut Shade possède également un faible taux de nicotine et offre des saveurs légères et crémeuses. On estime que cette variété a été la première à être cultivée de cette manière. De nos jours, la culture d’ombrage est pratiquée dans de nombreux pays, dont Cuba, le Nicaragua et la République dominicaine.
Si cette variété hybride a permis à la vallée du Connecticut d’acquérir une renommée mondiale dans l’industrie du tabac, elle est aujourd’hui principalement cultivée en Équateur en raison de sa forte sensibilité aux problèmes de moisissure bleue. Vous pouvez la retrouver sur quelques modules d’exception comme l’Ashton Classic et l’Ashton Cabinet Selection.
2. La Connecticut Broadleaf
La Connecticut Broadleaf est la cape Maduro la plus célèbre au monde. Selon la plupart des experts, cette variété de tabac provient d’un croisement avec la variété cubaine Criollo. Elle aurait été introduite dès le début du XIXe siècle dans la vallée du Connecticut, soit près d’un siècle avant la Connecticut Shade.
Cultivé en plein soleil, ce tabac contient une importante teneur en nicotine et offre des saveurs riches et sucrées. Il se distingue par son veinage apparent, sa texture douce et grasse et sa couleur sombre. En raison de l’épaisseur de ses feuilles, cette variété est difficile à manipuler. Elle fait ainsi partie des tabacs les plus chers au monde. Ses saveurs intenses en font un excellent tabac de remplissage, mais sa robustesse lui permet aussi d’être utilisée pour confectionner les capes de cigares.
Avec le temps, la culture du Connecticut Broadleaf s’est intensifiée. Bien que principalement produite dans la vallée du Connecticut, elle se retrouve également dans des pays comme l’Équateur, le Brésil, le Costa Rica et le Nicaragua. On peut notamment la retrouver sur des modules comme l’Arturo Fuente Añejos et le Don Pepin Garcia Jaime Garcia Reserva Especial.
Les défis contemporains des cultivateurs de tabac dans la vallée du Connecticut
En 1998, les producteurs de tabac dans la vallée du Connecticut ont fait face à une importante épidémie de moisissure bleue, la première depuis 19 ans. Porté par les vents, ce champignon vorace est un véritable fléau pour le tabac. Il est capable de détruire des hectares de plantations du jour au lendemain. Cette invasion de moisissure bleue a ainsi provoqué l’une des pires récoltes que les producteurs de tabac n’aient jamais connu dans la région, les obligeant à récolter plus tôt que d’habitude.
En raison de la sensibilité du Connecticut Shade à la moisissure bleue, certains producteurs ont cherché des zones de plantations plus propices à sa culture. Cette variété a ainsi été introduite en Amérique du Sud dès les années 1960, notamment en Équateur et au Brésil.
Aujourd’hui, les plantations américaines souffrent particulièrement de cette concurrence. Selon Jean-Marc Bade, directeur général de la Windsor Shade Tobacco, « La différence du coût du travail entre les États-Unis et l’Amérique centrale rend la compétition très difficile ». Selon lui, cette concurrence se fait néanmoins davantage ressentir sur le marché du cigare fait à la machine que pour les cigares faits main.
Pour Ernest Gocaj, le directeur de l’approvisionnement de la General Cigar Company, filiale américaine du Scandinavian Tobacco Group, le bilan est moins optimiste : « Le Connecticut shade produit en Équateur a un impact direct sur notre zone de production. De plus en plus de producteurs se lancent dans la culture de ce tabac en Équateur, mais également au Honduras, et au Brésil. C’est simple : la superficie de Connecticut shade grown produit dans le Connecticut diminue chaque année. En 2018, 50 hectares seulement ont été cultivés. Nous sommes aujourd’hui très loin des 12 000 hectares qui poussaient ici au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ! ».
En plus de ces problèmes de concurrence, la vallée du Connecticut fait face à des dérèglements climatiques majeurs depuis quelques années. En 2022, la région a ainsi connu des périodes de précipitations exceptionnellement abondantes et prolongées, ce qui a provoqué des inondations dans de nombreuses plantations. Les feux de forêt canadiens ont également couvert le ciel d’une épaisse fumée, provoquant des problèmes d’ensoleillement. Or, pour Jon Foster, un producteur de Connecticut Broadleaf, « Trop de pluie enlève la saveur et la robustesse du tabac, ce qui se traduit par une feuille plus fine qui est moins adaptée à la production d’emballage Maduro. »
Certains États comme le Vermont ont été particulièrement touchés avec 23 cm de pluie relevés à la suite d’une seule tempête. Selon la WTNH, « des centaines d’acres de cultures » ont ainsi été ruinés par les inondations le long de la rivière. Pour Jon Foster, la récolte 2023 pourrait être d’environ 20 % inférieure au rendement de l’année précédente. Face à l’intensification de ces dérèglements, l’inquiétude monte chez les agriculteurs de la région.
F.A.Q
Qu’est-ce qui rend la vallée du Connecticut idéale pour la culture du tabac ?
La vallée du Connecticutu offre un climat tempéré, des sols fertiles, une topographie favorable et une longue tradition agricole, créant des conditions idéales pour la croissance du tabac.
Quelles sont les variétés de tabac cultivées dans la vallée du Connecticut ?
La vallée est célèbre pour la variété Connecticut Shade, cultivée en « Shade Grown », mais également pour la variété Connecticut Broadleaf.
Comment la culture du tabac a-t-elle impacté l’économie de la vallée du Connecticut ?
La culture du tabac a joué un rôle majeur dans l’économie locale, générant des emplois, stimulant le commerce et contribuant à la renommée mondiale de la région en tant que producteur de feuilles de tabac de haute qualité.
Quels sont les défis contemporains de la culture du tabac dans la vallée du Connecticut ?
La durabilité et les préoccupations environnementales sont les principaux défis contemporains des producteurs de tabac de cette région. Afin de préserver leurs cultures, certains agriculteurs adoptent des pratiques agricoles plus durables, comme des systèmes d’irrigation économes en eau, l’utilisation de serres et de tunnels pour protéger les cultures ou encore de paillis pour maintenir l’humidité du sol.